Retour Programmes de recherche

Attentats du 13 novembre 2015 : des Vies Plus Jamais Ordinaires

10 mars 2021

Peut-on réagir dans l’immédiateté, en tant qu’historien et réalisateur, aux attentats survenus à Saint-Denis et à Paris le 13 novembre dernier ? Les historiens du temps présent ont fait admettre depuis maintenant de nombreuses années que l’absence de distance n’est pas un obstacle à la compréhension de l’événement, grâce, entre autres, à la présence de témoins, qu’ils figurent parmi les victimes survivantes, ou parmi les professionnels chargés de gérer la situation sur place (policiers, pompiers, médecins, etc.).

L’IHTP a ainsi décidé d’aller à la rencontre des victimes et des témoins de ces attentats, en réunissant une petite équipe de doctorants (Claire Demoulin, José Quental, Antoine Rocipon, Chun Chun Wang, Alain Zind), pour la plupart issus des quartiers visés par les terroristes, et de chercheurs, historiens ou anthropologues (Élisabeth Claverie, Hélène Dumas), qui ont déjà acquis une longue expérience dans la collecte et le traitement des témoignages de survivants et de témoins professionnels de génocides du vingtième siècle.

De mars 2016 à novembre 2019, nous avons filmé ces entretiens de manière professionnelle, avec le concours de Zadig Films (Dominique Gibrail et Maxime Spinga), d’un chef-opérateur de prise de vues (Jean-Christophe Beauvallet) et d’un ingénieur du son (Mikaël Kandelman) habitués des longs-métrages de fiction aussi bien que des documentaires. Nous considérons en effet que si l’on recourt au langage de l’image animée, c’est pour en faire bénéficier les témoignages de la puissance d’expression et non la limiter à une simple fonction de captation ou d’enregistrement. Chaque témoin est filmé dans un lieu différent, selon un questionnaire ouvert qui lui donne toute latitude de construire son récit librement, sans jamais être interrompu. Dans leur majorité, les personnes interviewées se sont portées volontaires pour livrer leur récit. Nous entretenons avec certaines d’entre elles une relation épistolaire continue qui nous permet de suivre l’évolution de leur situation vers ce que Paul Ricœur qualifie de mémoire apaisée. Nous nous tenons cependant à la place qui est la nôtre, celle d’historiens du temps présent, tandis que d’autres instances interviennent à titre officiel – comme l’assistance juridique, administrative et psychologique fournie par les services du procureur en charge de l’enquête, ou privé – avec les deux associations créées au lendemain des attentats.

Le choix de produire une archive filmée ne peut se limiter à sa bonne conservation et à un accès restreint aux chercheurs, ou à usage sous forme d’extraits, non respectueux de l’entièreté du témoignage, même dans un cadre scolaire. Cette collecte a été pensée comme une médiation, à trois – réalisateur, témoin, interviewer, et non, comme souvent, à deux – témoin, interviewer. Elle se veut respectueuse de l’intimité des personnes filmées (et de leur souhait initial de venir vers nous), et soucieuse, pour chacune d’entre elles, de trouver la bonne distance : celle qui met en confiance et autorise le témoin à livrer son récit, tout en donnant une place à de futurs spectateurs, quel que soit leur statut, en les invitant à voir, sans le filtre ou le détour d’une base de données, l’entretien filmé.

Responsables du programme

Christian Delage, Claire Demoulin, Alain Zind, Antoine Rocipon, Élisabeth Claverie

Télécharger la présentation complète du programme de recherche